Au milieu des difficultés, cultiver l’émerveillement

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Début avril, je suis intervenue avec des éducatrices du CLER Amour et Famille dans une classe de 3ème sur la question du harcèlement au collège. J’avais un groupe de 9 garçons. À la question : « qu’est-ce qui peut susciter un harcèlement à l’encontre d’un jeune collégien ? » les réponses fusent : timidité, défaut physique, couleur de peau, habillement, fayotage, etc.  L’un d’entre eux prend alors la parole ; à 14 ans, il vit en fauteuil roulant. « J’ai été harcelé en 6ème à cause de mon handicap. Mais j’ai pu me défendre, parce que j’ai du répondant,  et ça ne m’a pas fait beaucoup de mal. En fait, je suis handicapé de naissance, je ne peux pas  marcher et je ne marcherai sans doute jamais. Je fais régulièrement des séjours en centre de rééducation et là, je rencontre des malades qui sont beaucoup plus handicapés que moi, je trouve que j’ai quand même de la chance ! Et même, je me dis souvent … (il réfléchit) …, que je ne suis pas mécontent d’être handicapé, parce que cela me permet de voir la vie autrement. »

Le silence et le respect de ses camarades étaient éloquents. J’apprends alors que ce jeune est très apprécié, et aussi très intégré, puisqu’il fait du basket avec sa classe. Je suis  émerveillée par la maturité et la beauté de ce témoignage.

Parmi les groupes de femmes que j’accompagne à Diapason, une femme originaire de la Guadeloupe  est pleine d’humour et de bon sens, distribuant ses sourires et sa gentillesse autour d’elle. Un jour elle témoigne des difficultés de sa vie. Elle a été abandonnée par son homme avec ses deux enfants. L’ainé est un petit garçon autiste très compliqué à contenir. Les fins de mois sont difficiles, elle doit souvent recourir aux paniers de la Croix Rouge. Les services sociaux ne sont pas très diligents avec elle : dossier perdu, assistante sociale en congé maladie, etc. Elle conclut, les yeux pleins de larmes, avec son beau sourire : « Avec ma petite fille, cela va bien, et … demain cela ira mieux ! »

Deux exemples au milieu de beaucoup d’autres, qui  amènent la question suivante : cette capacité à prendre la vie du bon côté, à voir les choses positivement, à  garder l’espoir que « demain ça ira mieux » tout cela pourrait-il se cultiver ?

Depuis 4 ans déjà, j’essaie de travailler cette question dans les groupes que j’accompagne, que ce soit auprès des collégiens, lycéens,  ou auprès des femmes de Diapason. En début de séance, je propose régulièrement à chacun de partager quelque chose de positif, de beau et d’heureux qu’il a vécu ce jour ou la veille. J’appelle cela partager des « fleurs ».

Je ne pèche pas par angélisme. Je ne sais que trop les grandes difficultés que vivent les personnes, dans mon métier de conseillère conjugale et familiale. Mais je crois à une éducation du regard, du cœur, qui permet de déguster les perles de la vie. Aussi petites ou rares soient-elles, et parfois cachées aux yeux de tous !

Je laisse la conclusion à Christian Bobin : « Dire : cette vie est un jardin de roses, c’est mentir. Dire : cette vie est un champ de ruines, c’est mentir. Dire : je sais les horreurs de cette vie et je ne me lasserai jamais d’en débusquer les merveilles, c’est faire son travail d’homme, et vous le savez bien: ce genre de travail n’est jamais fini. Vos images ne sont pas des mirages. Vos images sont des points d’eau dans le désert. » (Extrait de « Donne-moi quelque chose qui ne meure pas » Gallimard)